Dans les circonstances budgétaires du moment, la dotation que la commune assure au CPAS n’appelle pas de la part du groupe Ecolo. Le budget du CPAS est correct au plan financier. L’augmentation de la dotation communale qui passe à 20.471.000 euros est tout à fait logique.
_ Cela étant dit, avec un même budget, on peut mener des politiques fort différentes: payer un revenu d’intégration à un jeune en lui refusant de poursuivre des études ne coûte pas moins cher à la Commune que de payer cette aide en refusant son projet.
L’examen d’un budget, ce n’est donc pas qu’un exercice comptable, c’est aussi un exercice politique.Un budget traduit des intentions politiques, la note de politique générale qui l’accompagne est là pour fournir des informations chiffrées sur les évolutions sociales observées qui justifient les objectifs retenus. La note de politique générale fournit des chiffres utiles, mais elle est muette en terme d’analyse des grosses problématiques sociales rencontrées et en terme de projets. Je voudrais donc attirer votre attention sur quelques chiffres qui se trouvent dans la note de politique générale et donnent une éclairage utile quant au contexte de travail du CPAS. […]
_ Alors que la population ixelloise a fortement augmenté (de 77.437 habitants en 2005 à 80.511 en 2008) et que c’est donc un public plus large qui est susceptible de s’adresser au CPAS, le nombre de personnes bénéficiant d’un revenu d’intégration sociale, a lui, diminué depuis 2005 (à l’inverse de l’évolution constatée dans la Région) nous sommes passés de 1.919 dossiers individuels à 1730 dossiers en 2009.
Le nombre de dossiers aide sociale équivalente suit une même courbe descendante depuis 2005, malgré une soudaine augmentation en 2009.[…]
_ Ces évolutions contrastées mériteraient une réflexion sur les effets de l’évolution des loyers dans notre commune et la part toujours dérisoire de logements sociaux dont nous disposons. Les plus pauvres sont contraints de quitter la commune, ou de vivre dans des logements indignes ou de s’endetter. A cet égard, le groupe Ecolo voudrait voir avancer une politique de lutte contre les marchands de sommeil.[…

Autre chiffre remarquable: le nombre des étudiants bénéficiaires du RIS est en diminution. La moyenne passe de 225 en 2007 à 185 durant le premier semestre 2009. Pas parce que les demandes diminuent mais parce que les refus d’aide augmentent. C’est le commentaire de la note de politique générale qui le précise!

Le nombre de personnes bénéficiant de l’aide médico-pharmaceutique exclusive est en diminution: cette aide concerne les personnes qui ont des ressources (une petite pension, un salaire pour un travail à temps partiel, etc.) tellement faibles qu’elles ne peuvent faire face à leurs dépenses de santé. Le poids des loyers fragilise terriblement les budgets d’une partie de plus en plus importante de la population. Cette diminution du nombre de personnes aidées est donc étonnante.

Quant aux montants consacrés aux aides sociales complémentaires, ils sont pour la plupart à la baisse. Je pointerai en particulier les diminutions surprenantes dans les interventions du CPAS dans les frais d’eau et énergie pour lesquels nous bénéficions de subsides du Fédéral Ces diminutions sont surprenantes au regard de l’augmentation de la précarité énergétique qui s’est accentuée avec la libéralisation du marché et qui touche un nouveau public qui fait appel aux CPAS: travailleurs aux bas salaires, pensionnés.
_ Les recettes du CPAS d’Ixelles en provenance du Fédéral ont fondu à mesure de leur non-utilisation (672.304 pour 2007, 542.8051 en 2008, 531.300 au budget modifié 2009). Ixelles doit être le seul CPAS du pays dans ce cas. Faut-il préciser que le groupe Ecolo ne plaide pas pour une politique de dépenses « pour le principe » des subsides qui pousseraient les personnes à gaspiller l’énergie sous prétexte que le CPAS paie. Par contre, nous savons que vivre avec des revenus inférieurs au seuil de pauvreté, ce qui est le cas des allocataires sociaux, empêchent de faire face aux dépenses de base. Même en gérant en « bonne mère de famille ». Nous savons aussi tous que les ménages fragilisés habitent le plus souvent des logements de piètre qualité et très mal isolés. Quant aux équipements ménagers bon marché, ils ont rarement un bon rendement énergétique. Ces montants qui n’ont pas été utilisés pour aider financièrement les personnes en difficulté n’ont pas été utilisés non plus dans le cadre d’un travail d’accompagnement pour la maîtrise énergétique des ménages précaires. Aucune politique préventive n’a été mis en place à cet égard. A défaut de vouloir aider les personnes en situation précaire à apurer leurs factures de gaz et d’électricité, il aurait été utile d’utiliser les subsides fédéraux pour développer une politique sociale préventive en matière d’énergie. Le groupe Ecolo a fait cette proposition à plusieurs reprises. En vain. […]

J’en viens à ma conclusion et aux raisons pour lesquelles notre groupe va s’abstenir sur ce budget. Nous ne pouvons souscrire à la vision politique qui préside aux décisions du comité spécial du service social et l’amène à de nombreux refus d’aide. Contrairement à la majorité PS-MR, Ecolo ne pense pas qu’il suffit de chercher du travail pour en trouver. Et nous refusons de diaboliser les personnes qui travaillent quelques heures par mois au noir sans nous en avertir. Nous ne pouvons souscrire à une lecture du monde qui divise les pauvres entre bons et mauvais, qui culpabilise plutôt que de responsabiliser. […]

L’assistance n’est pas une réponse à la pauvreté, mais il n’y a pas de réponse sans écoute et sans respect.

Le travail social en CPAS a toujours été fait d’aide et de contrôle, cela relève des missions légales du CPAS et c’est normal, mais aujourd’hui , à Ixelles, le contrôle écrase le travail social.

Le groupe Ecolo est convaincu qu’il est possible d’avoir une gestion rigoureuse et de mener en même temps une politique attentive à la réalité complexe des situations sociales et culturelles dans lesquelles vivent les familles.

Il y a des mots qui font vivre, il y a des mots qui blessent et qui humilient les usagers, comme les travailleurs sociaux qui les soutiennent.

Je suis convaincue que dans la pauvreté, le pire n’est pas le manque de ressources financières et les conditions de vie que cela entraine, le pire, c’est l’humiliation, le pire c’est la disqualification. Ces mots qui blessent, je les entends trop souvent. C’est pour toutes ces raisons que mon groupe s’abstiendra.

Anne Herscovici