Règlement relative aux magasins de nuit et aux bureaux privés pour les télécommunications

Publié le 12 juin 2007
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A la lecture du projet de règlement relatif aux magasins de nuit et aux bureaux privés pour les télécommunications, je ne peux m’empêcher de m’interroger : dans de nombreuses communes des actions sont prises si pas « contre » les night shop et les cabines téléphoniques, du moins afin d’en limiter la « prolifération » dans certains quartiers. « Prolifération », comme s’il s’agissait d’une maladie contagieuse…

Pourquoi ce type de commerce suscite-t-il tant de réactions négatives ?

La concentration ?

La concentration de certains commerces dans un lieu précis n’est ni une nouveauté ni une spécificité des commerces dont il est question. La toponymie de Bruxelles en témoigne puisque dès l’ancien régime on identifiait à Bruxelles une rue des bouchers, une rue Marché aux herbes, une rue des poissonniers, etc. Aujourd’hui certaines concentrations sont frappantes : les pitas rue Marché aux fromages (déjà !), les stylistes rue Antoine Dansaert, les restaurants dans les quartiers Saint-Boniface et du Châtelain, les coiffeuses à Matongé.
Des géographes spécialisés dans l’analyse des noyaux commerciaux démontrent même qu’une certaine concentration favorise, d’une part, la concurrence et donc des meilleurs prix pour les consommateurs et, d’autre part, augmente la visibilité commerciale, tout bénéfice pour les commerçants. « si je veux trouver un antiquaire, je vais au Sablon ».

Une inadéquation avec la demande ?

Au contraire, les modes de vie urbains évoluent. Aujourd’hui les night shops permettent aux travailleurs aux horaires de plus en plus flexibles de bénéficier tardivement d’un lieu d’approvisionnement.
De même, les bureaux de télécommunications permettent aux nombreux travailleurs immigrés de joindre leur famille dans des pays lointains à bas prix et prenant en compte du décalage horaire.

Ces commerces ne respectent-ils pas les lois sur le travail ?

C’est sans doute exact que dans certains cas, un travail au noir existe, de même que le non respect du nombre d’heure de prestation, en recul par rapport aux avancées sociales dans notre pays. Mais généraliser, c’est faire un procès d’intention de facto.

Ces commerces sont-ils une plaque tournante de trafic de drogue ?

C’est une légende urbaine, insultante pour la toute grosse majorité des commerçants au dessus de tout reproche.

Les commerces de nuit causent-ils des nuisances nocturnes ?

La plupart de ces commerces sont parfaitement calmes. Si certains, situés le long de grands axes engendrent du bruit, c’est souvent à cause du trafic automobile qui s’y rend. C’est regrettable, mais ce n’est là non plus une spécificité des commerces de nuit. Qu’on pense aux restaurants.

Ces commerces sont-ils un facteur d’insécurité ?

Au contraire, ils sont souvent la seule lumière, la seule vie – voire refuge – la nuit dans certaines artères. Ce qui constitue un facteur rassurant, en particulier pour les femmes.

Les bureaux privés de télécommunication, ça ne fait pas chic ?

En effet, il y a plus attractif pour un noyau commercial qu’une vitrine remplie de petites affichettes de prix de communications par pays. Et vous avez sans doute raison de vouloir limiter à 20 % la superficie couverte de la vitrine. Mais soyons de bon compte : qui d’entre-nous n’en a pas profité pour apposer sa bobine à la vitrine de ces mêmes établissements pendant la campagne électorale. Et certains plus que d’autres…

Pourquoi dès lors créer un règlement spécifique qui vise ces activités ?

Les horaires d’ouverture sont fixés par la Loi.
Le travail au noir, les comptabilités occultes, les denrées alimentaires périmées, le tapage nocturne sont interdits et punissables par la Loi. Il suffit de contrôler !
Et si un établissement pose de sérieux problème, il peut être fermé par arrêté du bourgmestre, le Ministère des Finances ou les services de l’hygiène.

On le voit, aucun argument ne tient la route à l’analyse.

D’ailleurs qui songerait à dire que les Withe night posent problème. Ils sont pourtant ouverts très tard et leur vitrine est entièrement obstruée. Idem pour Daily Traiteur et autres enseignes situées dans les quartiers plus bourgeois de notre commune.

Je crains, dès lors, que s’attaquer aux night shop et cabines téléphoniques privées ne soit mû uniquement par un réflexe populiste, je n’ose imaginer raciste.

Ayons une démarche positive

On devrait, au contraire, se réjouir que des jeunes, souvent peu qualifiés, souvent issu de l’immigration se lancent de manière courageuse dans l’aventure de petit indépendant. C’est souvent l’unique planche de salut pour ces jeunes écartés du marché de l’emploi par manque de qualification ou par racisme.

Moi aussi, je regrette parfois le manque d’imagination et d’innovation commerciale dans l’ouverture du Xème night shop dans une rue. Une démarche positive vis-à-vis des jeunes entrepreneurs, par une formation, pourrait peut-être mieux les orienter dans leurs choix et éviter ainsi que la « main invisible du marché » ne régule tout ça, fermetures prématurées à la clé.
Il s’agirait d’une démarche positive, dont l’initiative pourrait être prise par la Maison de l’emploi, plutôt que cette action communale négative de tracasserie administrative qui sera vécue comme une nouvelle frustration d’une population déjà souvent stigmatisée.

Il est délicat, Madame l’Echevine, de prôner l’économie de marché et la liberté d’entreprendre et ensuite regretter l’apparition de certaines d’activités. Ou alors, me suis trompé sur votre compte ? Sans doute prônez-vous une régulation des noyaux commerciaux dans le cadre d’une économie planifiée comme il en existait et en existe encore dans certains pays socialistes. Je n’y suis pas opposé mais il ne faut pas, alors, mener une politique de deux poids deux mesures. Interdisons les nouveaux restaurants au Châtelain, les nouveaux grands magasins de textile chaussée d’Ixelles.

Dans l’espoir que vous aurez la sagesse de revoir votre règlement, je vous remercie d’avance, Madame l’Echevine, pour votre réponse


Yves Rouyet
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Conseiller Communal, Groupe Ecolo